L'ascension et la chute de la Suisse d'Orient

On dit que le Liban eu un âge d’or, on dit qu’il était prospère, paisible et agréable à vivre au point qu’on l’appela « la Suisse d’Orient ».

On dit que le Liban eu un âge d’or, on dit qu’il était prospère, paisible et agréable à vivre au point qu’on l’appela « la Suisse d’Orient ». Ce mythe moderne a été entretenu par Youssef Beidas fondateur de la Banque Intra, miracle libanais des années 1960 dont l’effondrement résonne avec la situation du Liban actuel. L’actrice, autrice et metteuse en scène basée à Beyrouth Chrystèle Khodr décrypte les destins croisés de ce banquier et son pays à travers sa lecture musicale d’un texte qui retrace les derniers jours de Youssef Beidas à Lucerne.

Personnellement, je crois que l’appellation « Suisse d’Orient » est le résultat d’une démence collective et j’accuse Youssef Beidas d’avoir fait vivre toute une population dans un pays qui n'a jamais existé.

NOTE D'INTENTION

par Chrystèle Khodr

J’ai toujours été intriguée par la nostalgie et l’honnêteté qui sonne dans la voix de ceux et celles qui appellent encore le Liban « La Suisse d’Orient ». Ce sont généralement des personnes qui appartiennent à une autre génération, celle qui a connu le Liban d’avant. Même le mot « avant » a aujourd’hui un autre impact quand je l’écris : « Avant ? Avant quoi ? » Bref, ceux et celle qui ont connu le Liban d’avant l’appellent d’une voix émue « La Suisse d’Orient ». Peut-être que c’est parce que c’est un petit territoire montagneux au bord de la mer, comme les Alpes suisses au bord des lacs. Peut-être que c’est à cause du secret bancaire instauré depuis les années 1950 et qui a fait que le Liban comme la Suisse deviennent des paradis fiscaux. Peut-être que c’est à cause de la droite chrétienne qui fantasme encore un pays fédéral divisé en cantons. Personnellement, je crois que l’appellation « Suisse d’Orient » est le résultat d’une démence collective et j’accuse Youssef Beidas d’avoir fait vivre toute une population dans un pays qui n'a jamais existé. Youssef Beidas, fondateur de la Banque Intra, la plus grande institution bancaire qu’a connu le Liban avant de faire faillite dans des circonstances restées mystérieuses depuis 1966. Une tragédie économique, politique et sociale qui s’est doucement transformée en légende urbaine. Des générations témoins de crises successives ayant construit leurs vies en s’adaptant à l’inadaptable. Un homme d'affaires palestinien qui devient le symbole de toutes les défaites et théories du complot. La faillite de son empire devenant la métaphore de la désintégration d'un pays mort-né celui de la « Suisse d'Orient ».