Contractions

Dans cette pièce courte d’une formidable efficacité, le spectateur découvre un face-à-face acéré entre deux femmes. « Contractions » explore méthodiquement l’impitoyable exercice de pouvoir et de manipulation dans le monde du travail.

Pouvoir et manipulation !

Dans Contractions (créé en 2008 au Royal Court Théâtre de Londres), Mike Bartlett brillantissime jeune auteur anglais interroge sans concession notre société et dénonce dans ses écrits la perte de la dimension humaine dans les relations sociales. Il dissèque au scalpel, avec un humour grinçant allant jusqu’à l’absurde, l’ingérence du monde du travail dans la vie intime de deux employées. Mike Bartlett présente une dystopie troublante, sous forme de thriller psychologique, qui se déroule dans un univers Orwellien où la surveillance est poussée au paroxysme grâce à la délation et à l’utilisation des nouvelles technologies. Il décrit un univers cruellement proche de nos réalités numériques contemporaines qui font passer la vie privée pour un concept rétrograde et propose, à travers sa création, un laboratoire des effets pervers d’une déshumanisation des rapports humains.

Convoquée à plusieurs reprises dans le bureau de sa supérieure hiérarchique, Emma, une jeune employée, va être soumise à une série d’interrogatoires sur les aspects les plus intimes de sa vie privée et les relations avec ses collègues. Dans cette entreprise multinationale, les employés sont dans l’obligation de signer un contrat où il est fait mention qu’ils ne doivent pas s’engager dans une relation intime avec un autre employé sans en informer au préalable la direction. Cet article du contrat est le point de départ d’une spirale infernale.

Dans cette pièce courte d’une formidable efficacité, le spectateur découvre un face-à-face acéré entre deux femmes. Contractions explore méthodiquement l’impitoyable exercice de pouvoir et de manipulation, qui n’a pas de genre, il nous invite à une réflexion sur notre rapport au travail dans un monde de plus en plus globalisé. Il n’y a pas un mot de trop dans ce dialogue concis aux phrases ciselées proche de l’écriture de Pinter, qui multiplie les silences éloquents entre le dit et le non-dit des répliques cyniquement ambigües. Un style d’écriture direct, chirurgical, sans fioritures et à la rythmique ultra précise d’une formidable rigueur métronomique.