Triomphe et dissimulation – Inner Emigration IV – Gstaad Festival Orchestra II

Fondé en 1957 par le violoniste Yehudi Menuhin, le Festival de Gstaad s’est imposé comme une institution majeure de la musique classique en Suisse

«Réponse d’un artiste soviétique à de justes critiques» : voilà comment Chostakovitch a subtilement titré sa Cinquième Symphonie, une œuvre qui naît dans l'élan tumultueux de la première représentation de son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk. Qualifié par la Pravda – sans doute sous l'impulsion de Staline lui-même – d’œuvre «pornographique» et contre-révolutionnaire, avec des menaces voilées avertissant que « l'on joue avec l'hermétisme, un jeu qui pourrait mal finir », le compositeur se voit contraint de réagir. Face à ce scandale savamment orchestré dans un contexte de purge sans précédent, et se sentant à juste titre menacé, Chostakovitch retire sa Quatrième Symphonie – dont l'expression moderne évoque de près l'opéra incriminé – pour, en 1937, se consacrer à une composition de facture plus classique. Pourtant, sous un vernis de langage conventionnel, la Cinquième Symphonie porte en elle la marque d'une profonde révolte contre la tyrannie, célébrant le « triomphe de l'art » et, par ricochet, celui de la vie.

Pour ces cinquante minutes de musique intensément émouvante, Jaap van Zweden et le Gstaad Festival Orchestra opposent l'insouciance juvénile – incarnée par un Mendelssohn à deux pianos, jadis interprété avec éclat dès l'âge de quatorze ans par les frères Lucas et Arthur Jussen – à l'expérience et à la gravité d'une œuvre qui défie le temps. Après deux éditions d'exception, le Festival et son public semblent désormais ne plus pouvoir se passer de cette rencontre vibrante entre passé tumultueux et avenir porteur d'espoir.