Nabucco
Patriotique malgré lui?
Son emblématique Va, pensiero du troisième acte résonne à jamais dans la pierre de l’Italie retrouvée et dans le sang de ses fiers habitants. Mais aussi puissant soit-il dans toute sa subtile nostalgie, ce Chœur des Esclaves ne saurait résumer à lui seul le premier triomphe de Giuseppe Verdi : ce Nabucco créé le 9 mars 1842 sur la scène de la Scala de Milan et qui propulse d’un coup un compositeur de moins de trente ans presque inconnu dans la lumière de la légende. Et pourtant le « coup » est puissant : mettre en scène la bravoure d’un peuple d’esclaves réclamant ouvertement son indépendance (le fameux épisode biblique des Hébreux de Babylone) au cœur d’une cité (Milan) marquée par des siècles de convoitise violente des puissances continentales et à cette époque sous la coupe serrée du très policier empire austro-hongrois… Si par la suite– à l’aulne de la grande déflagration de 1848 et de l’émergence irrésistible du Risorgimento – on a très (trop) rapidement érigé cet ouvrage en premier « opéra patriotique », il semblerait en effet, à la lumière d’études récentes, que ni le public de la création, ni même le compositeur lui-même, n’aient eu à ce moment-là conscience du caractère potentiellement « révolutionnaire » du propos. Il suffit pour s’en convaincre de considérer l’œuvre dans sa globalité : ce grand spectacle biblique pourvu de tous les ressorts chers à l’opéra – faibles et puissants face-à-face, amour brûlant mais impossible, décor exotique… – auquel le public milanais a d’abord et spontanément accordé ses suffrages.