Orphée aux Enfers
Offenbach enfin se lâche!
1858. Acculé par les huissiers qui menacent de fermer son théâtre des Bouffes-Parisiens aux caisses désespérément vides depuis son ouverture trois ans plus tôt, Jacques Offenbach tente le tout pour le tout : écrire (enfin !) une grande œuvre pour rétablir l’équilibre budgétaire et asseoir sa notoriété de compositeur. Conforté dans sa démarche par l’amitié que lui voue le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III – qui signera sous pseudonyme le livret de Monsieur Choufleuri restera chez lui le… et n’est sans doute pas étranger à l’abrogation du nombre limite de personnages et de chœurs attribué jusque-là aux pièces montées aux Bouffes-Parisiens –, il prend le large et met sur le métier l’opéra qui fondra effectivement sa légende : Orphée aux Enfers. Le rendez-vous avec l’éternité a lieu le 21 octobre 1858. Hector Crémieux a concocté un livret de haut vol sur une idée originale de Ludovic Halévy (auquel Offenbach dédiera sa partition) : une plongée décalée et pleine d’anachronismes dans la Grèce antique pour peindre en filigrane – mais à grands traits caustiques – l’insipide vanité de la société du Second Empire. L’audace fait mouche et le public – pourtant premier visé ! – ne boude pas son enthousiasme : pour son premier ouvrage « sans limites », le compositeur s’est fait plaisir. Quatre actes, sept chanteurs, sept chanteuses, un large chœur et un grand orchestre : les opérettes en un acte d’avant cet « opéra bouffon » – c’est son appellation exacte – font désormais figure d’esquisses. Osons le dire : il s’agit là de la première grande opérette française.