Renaissance amoureuse - Madrigaux de Bernardo Pisano à Monteverdi
Ces concerts sont consacrés au madrigal amoureux du XVIe siècle, l'un des genres les plus importants de la Renaissance. La mise en musique du texte poétique s'y traduit par une invention de procédés musicaux visant une expressivité exacerbée.
Dopé par une imprimerie musicale en plein essor et un public avide à la fois de pièces connues et de nouveaux répertoires, le madrigal italien du XVIe siècle a connu une formidable fortune. Les compositeurs nous ont laissé environ quarante mille pièces et, parmi elles, quelques merveilles ! Le terme de madrigal commence à être utilisé vers 1530 pour désigner une mise en musique d’un poème profane en italien. Le genre s’éloigne progressivement de l’ancienne frottola et les musiciens recourent de plus en plus à des textes de Pétrarque ou pétrarquisants, qu’ils habillent d’une écriture musicale plus élaborée et complexe. Ils parviennent ainsi à façonner un genre aux ambitions esthétiques plus élevées.
Progressivement l’effectif vocal passe majoritairement de quatre à cinq voix. Durant la seconde moitié du siècle, le genre devient le terrain privilégié de l’expérimentation, notamment en développant une symbolique musicale complexe afin d’exprimer les affects (sentiments ou situation) que contient le texte poétique. De fait, le madrigal est un maillon essentiel de la révolution musicale qui débouche sur la musique baroque au début du XVIIe siècle. Parallèlement, un répertoire plus léger, diffusé par exemple sous les étiquettes de villanella ou de canzonetta, abreuve un public féru de divertissement.
Dans ce programme, La Sestina présentera un choix représentatif de ce passionnant parcours au travers de la thématique amoureuse. Des « tubes » de l’époque côtoieront des pièces moins connues. Six chanteurs et chanteuses se produiront a cappella ou accompagnés d’un luth. Trois parties composeront le programme.
Quelques musiciens importants des débuts de l’histoire du madrigal seront à l’honneur dans la première. De Bernardo Pisano, ami de Michel-Ange, nous donnerons Chiare, fresche, e dolci acque à 4 voix, sur un texte de Pétrarque. Du Français Philippe Verdelot nous chanterons Quanto ahi lasso à 5 voix. Ces deux compositeurs, actifs à Rome et Florence, optent pour une écriture musicale souvent syllabique, qui permet de rendre le texte audible, intégrée dans des textures imitatives qui alternent avec des passages homophoniques. Le septentrional Jacques Arcadelt s’inscrit dans la filiation de Verdelot. Publié dans son Premier livre de madrigaux à quatre voix (1539), Il bianco e dolce cigno est une des pièces les plus appréciées du siècle, peut-être à cause de son poème à connotation érotique. Avec Cipriano de Rore, principalement actif à Ferrare, le madrigal se dirige vers une expressivité plus exacerbée et basée sur le contraste d’images opposées. Basé sur un sonnet de Giovanni della Casa, O sonno à 4 voix rend sa thématique nocturne au travers d’une écriture musicale statique, mais truffées d’audaces harmoniques.
La troisième partie du programme sera dédiée à des pièces de compositeurs majeurs de la seconde moitié du siècle. Roland de Lassus a déployé son goût pour les œuvres d’une certaine ampleur en mettant en musique plusieurs sestines (pour rappel un poème de six strophes de six vers et une demi-strophe). Publiée en 1563, Non ha tante serene stelle joue avec les effectifs vocaux au fil des strophes : si l’écriture est majoritairement à cinq voix, elle passe à trois puis à quatre voix pour les troisième et quatrième strophes. La pièce se conclut de façon majestueuse avec six voix. L’écriture musicale de Lassus allie avec une aisance inégalée déclamation claire, illustration du texte, couleurs harmoniques et gravité de ton.
L’œuvre madrigalesque de Carlo Gesualdo, bien connue des compositeurs du XXe siècle, emprunte une voie toute personnelle d’une audace inouïe. Languisce al fin à 5 voix est tiré de ce qui constitue peut-être son chef-d’œuvre, le Cinquième livre de madrigaux de 1611. Ici les tessitures extrêmes et les chromatismes déconstruisent le langage musical, tant et si bien que les auditeurs perdent leurs repères (mais avec délices !), à l’image du poète affligé qui s’apprête à quitter ce monde. C’est dans les années 1590, alors à Mantoue, que Monteverdi met au point un langage madrigalesque absolument original et d’une puissance d’expression inégalée. Extrait du Quatrième livre et basé sur des poèmes de Giovanni Battista Guarini, Anima mia perdona à 5 voix est composé de deux parties. Le texte dépeint les souffrances de l’amour impossible, tour à tour celles de Mirtillo et d’Amarilli. Le programme se conclura par Vivrò dunque lontano à six voix de Luca Marenzio. L’œuvre, d’une grande beauté sonore, se déploie dans un climat apaisé.
Au centre des concerts figureront des pièces plus légères. Nous proposerons au public l’introduction des Balletti a cinque voci con li suoi versi per cantare, sonare e ballare de Giovanni Gastoldi, publiés en 1591. Ce recueil d’œuvres vocales extrêmement plaisantes a connu le succès jusqu’en Angleterre. Da poi che tu Crudel à 3 voix du peu connu Giovanni Leonardo de L’Arpa est une pièce strophique enjouée à la prosodie syllabique. Enfin, de Roland de Lassus, nous chanterons la célèbre et comique moresque Chi chi li chi à 6 voix. Des pièces de luth compléteront le programme.
Concerts organisés dans le respect des normes sanitaires
Nombre de places limité – Réservation recommandée
Plein tarif : 25.-
Tarif réduit (Etudiants, Chômeurs, AVS, AI) : Frs 15.-
Membres de l’Agenda-Club : réduction de Frs 5.-
Enfants : entrée libre
Deux concerts : à 16H00 et 18H00
Conférence de présentation par le musicologue Andrea Garavaglia de 17H15 à 17H45