Van Meegeren et les nazis: l'histoire incroyable du plus grand faussaire d'art de tous les temps !
Artiste envers et contre tout, Han van Meegeren se mit le monde à dos pour vivre de sa passion et montrer combien le marché de l'art marche encore aujourd'hui sur la tête. Accusé de collaborer avec le régime nazi, il le roula en réalité dans la farine grâce à ses faux plus vrais que nature ! Il amassa une fortune de près de 30 millions de dollars, avant d'être traîné en justice et de devenir un héros populaire.
Le plus célèbre des faussaires d'art naquit en 1889, à quelques encablures d'Utrecht, au centre des Pays-Bas. Il se rêvait grand peintre mais se heurta dès l'enfance à un père rigide, un instituteur qui voyait d'un mauvais oeil les ambitions artistiques de son fils.
Une éducation rigoureuse qui se prolongea jusqu'à son professeur, Bartus Korteling. Ce dernier considérait que la peinture, la vraie, s'était arrêtée à la fin du Siècle d'or néerlandais. Autrement dit, à l'aube du XVIIIème.
Le jeune Han suivait un cursus d'architecture mais, ennuyé, se rebella contre l'autorité paternelle et se lança corps et âme dans la peinture. Il connut un certain succès au tout début de sa carrière. Infusé du classicisme de son éducation, il se lassa de l'art moderne qu'il pratiquait à ses débuts et s'entêta à faire revivre les perspectives décadentes de la fameuse période dorée.
Seulement, le marché de l'art étant ainsi fait qu'il cherche toujours l'originalité, ses créations se heurtèrent aux critiques. La mode était au fauvisme de Van Gogh, porté au pinacle de la création artistique. Les critiques d'art criblèrent l'oeuvre de Han van Meegeren des pires blâmes, détruisant de ce fait sa carrière.
Spécialiste de l'ancien, il vivait en tant que restaurateur d'oeuvres d'art. En 1928, l'artiste et un ami participèrent à une vente aux enchères et reconnurent immédiatement un tableau de Frans Hals. Ils l'achetèrent, le restaurèrent minutieusement et le remirent sur le marché. Tout le monde s'accorda à reconnaître qu'il s'agissait bien là d'un tableau du grand maître, sauf l'expert le plus reconnu de l'époque: un certain Abraham Bredius.
Rouge de rage d'avoir perdu de l'argent et de constater que le marché de l'art ne dépendait que d'une pair d'yeux omnipotents, il décida de créer lui même, ex-nihilo, des faux de grands peintres.
Il fabriqua un faux Rembrandt qu'il présenta dans un musée. Cette fois-ci, Abraham Bredius se fit duper et décréta qu'il s'agissait d'un vrai. C'en fut trop pour Van Meegeren, qui planta le tableau et le déchira dans tous les sens, pour bien montrer qu'il n'avait aucune valeur. A sa grande surprise, le critique d'art ne perdit rien de sa superbe. Il était toujours aussi écouté, et lui toujours aussi méprisé.
L'artiste, divorcé, s'exila en Côte d'Azur avec sa nouvelle muse. Face à une extraordinaire mer d'huile, il ne parvint cependant pas à digérer l'événement. Le sang bouillonnant, il se mit en tête d'exécuter le plus parfait des faux et de tromper tout l'univers de l'art.
Il lui fallut 4 ans d'études scrupuleuses pour parvenir à imiter les craquelures des vieux tableaux. Pour cela, il peignait d'abord la toile, puis la passait au four, l'enroulait autour d'un bout de bois, passait enfin de la peinture grisâtre pour reproduire la poussière accumulée au fil du temps.
En 1937, il présenta à un avocat une copie de Vermeer et trompa les meilleurs experts, dont l'intraitable Abraham Bredius. Il écoula par la suite six faux Vermeer et deux Pieter de Hooch et devint rapidement riche.
Avec l'arrivée des troupes allemandes dans le pays, Han van Meegeren multiplia ses ventes. En effet, les collectionneurs d'art hollandais rachetaient frénétiquement les oeuvre du Siècle d'or pour ne pas que celles-ci, prisées par le régime nazi, finissent entre les mains allemandes.
Han van Meegeren commit cependant une faute qui allait le traîner sur les parterres de la justice. Avec Hermann Göring, dirigeant de premier plan du parti national-socialiste, il échangea Le Christ et la parabole de la femme adultère, tableau célèbre de Veermer, contre 200 toiles saisies dans les musées de Hollande.
Après la 2ème Guerre mondiale et le grand nettoyage éthique qui suivit, Han van Meegeren fut arrêté et emprisonné pour collaboration avec les autorités allemandes. Face à la calomnie et la menace judiciaire, il avoua qu'il s'agissait en réalité d'un faux qu'il avait lui-même fabriqué.
Héros populaire, il écopa tout de même de la peine minimum. Il ne foula jamais le bitume froid d'une cellule, puisqu'il mourut d'une crise cardiaque juste avant d'y mettre les pieds, en 1947. Une folle histoire qui fit de lui une véritable légende !